Les personnes issues de minorités ethniques sont moins susceptibles d’être contactées par des recruteurs d’emploi que les personnes issues du groupe majoritaire, selon une analyse des utilisateurs d’un site web public suisse sur l’emploi. Dominik Hangartner de l’ETH Zurich en Suisse et ses collègues ont étudié les actions de plus de 43 000 recruteurs qui ont effectué 450 000 recherches sur 17,4 millions de profils de demandeurs d’emploi entre mars et décembre 2017. Ils ont suivi chaque clic pour voir comment les recruteurs ont interagi avec les profils, qui comprennent des informations sur l’origine ethnique, l’âge et la nationalité insérées par les chargés de dossier de l’agence nationale suisse pour l’emploi.

Plusieurs facteurs d’analyse

La fréquence à laquelle les recruteurs ont contacté des ressortissants suisses nés dans le pays et appartenant au groupe ethnique majoritaire a servi de base à l’analyse, la probabilité que les recruteurs cliquent sur un bouton pour contacter des candidats à l’emploi en fonction de leur appartenance ethnique étant calculée par rapport à cela. L’équipe a constaté que les personnes issues de groupes d’immigrants et de minorités ethniques avaient jusqu’à 19 % de chances en moins d’être contactées.

Les recruteurs n’ont consacré en moyenne que 0,3 seconde de moins aux profils des demandeurs d’emploi issus de minorités ethniques, ce qui, selon les chercheurs, signifie que le résultat ne peut pas être entièrement expliqué par des recruteurs qui discriminent consciemment les personnes en fonction de leur origine ethnique.

L’heure de consultation impacte les décisions

Mais le temps passé par les recruteurs sur le profil d’une personne varie selon l’heure de la journée : entre 9h et 10h, ils ont passé 10,5 secondes en moyenne par profil, et 12 % de temps en moins sur ceux des demandeurs d’emploi issus de minorités ethniques. Entre 17h et 18h, ils passaient 9,5 secondes en moyenne par profil, et 14,7 % de moins sur les demandeurs d’emploi issus de minorités ethniques. Des variations similaires sont constatées juste avant la pause déjeuner. L’équipe n’a constaté aucune différence significative en fonction du sexe des candidats pour un emploi moyen.

« Environ 20 % de la discrimination à l’encontre des minorités ethniques que nous observons est due à l’heure de la journée, où l’on peut penser que les recruteurs sont plus épuisés et fatigués », explique M. Hangartner. La discrimination est calculée en contrôlant le temps passé sur les profils individuels et la probabilité d’être contacté par les recruteurs. Il pense que le reste de la discrimination peut être un préjugé inconscient qui se manifeste particulièrement lorsque les utilisateurs sont fatigués.

« C’est le genre d’analyse de données qui nous montre que la discrimination raciale est encore une pratique profondément ancrée », déclare Safiya Umoja Noble, de l’université de Californie à Los Angeles. « Ce dont nous avons besoin, c’est d’un contrôle rigoureux des systèmes pour s’assurer que ces systèmes ne rendent pas la discrimination encore plus opaque ».

Hangartner espère que les données pourront être utilisées pour reconcevoir ces sites web afin d’atténuer l’impact des préjugés implicites à l’encontre des personnes issues de minorités ethniques.