Selon un groupe d’économistes, la Banque nationale suisse devrait relever son objectif d’inflation et envisager d’utiliser son taux de change plutôt que son taux d’intérêt de référence comme principal outil.
Établir un plan de bataille bien précis
Alors que la proposition sur la croissance des prix alignerait davantage la BNS sur ses homologues internationaux, la suggestion sur la manière de gérer le franc serait plus controversée. La Suisse est déjà désignée comme un manipulateur de devises par les États-Unis. Stefan Gerlach, ancien vice-gouverneur de la banque centrale irlandaise, actuellement chez EFG International AG, Yvan Lengwiler de l’Université de Bâle et Charles Wyplosz, professeur honoraire de l’Institut universitaire de Genève, ont abordé la question de la faiblesse persistante de la croissance des prix en Suisse, malgré des taux d’intérêt négatifs depuis 2015.
« Une révision de la stratégie est nécessaire maintenant », ont-ils écrit dans un article publié mercredi. « Nous recommandons à la BNS de s’engager sur un objectif d’inflation plus précis et légèrement plus élevé, et de clarifier le rôle du taux de change dans sa stratégie ». Ils recommandent à la BNS d’adopter un objectif moyen de 2 % pour l’inflation à moyen terme. Elle définit actuellement la stabilité des prix de manière plus large, comme des taux d’inflation positifs inférieurs à 2 %. En fait, l’inflation est inférieure à zéro depuis plus d’un an.
La Banque d’Angleterre a un objectif de 2 %, et la Réserve fédérale américaine a modifié l’année dernière son objectif pour qu’il soit de 2 % en moyenne sur la durée, ce qui permet des dépassements après des périodes de faiblesse. La Banque centrale européenne vise un objectif « inférieur mais proche de 2 % », mais envisage de s’aligner davantage sur la Fed ou la BOE.
Défaillance des taux
Les économistes ont également déclaré que la BNS pourrait devoir reconnaître que le taux d’intérêt de référence – actuellement le plus bas du monde à -0,75% – « a cessé de jouer un rôle d’instrument de politique ». Une option serait d’arrimer le franc à l’euro, ont déclaré les économistes, mais cela pourrait facilement entraîner une inflation suisse soutenue au-dessus de 2 %, ce qui serait politiquement inacceptable.
Une alternative pourrait être de suivre l’exemple de Singapour, qui a mis en place un système d’ancrage dit « rampant ». Le dollar de Singapour est géré par rapport à un panier de devises non divulgué, et le taux de change pondéré en fonction des échanges commerciaux est autorisé à fluctuer dans une fourchette connue sous le nom de « policy band », les autorités étant en mesure de modifier divers paramètres.
« Cette solution présente également deux avantages. Premièrement, l’autonomie monétaire est préservée », ont écrit les économistes. « Deuxièmement, la nécessité d’intervenir sur le marché des changes serait considérablement réduite puisque les marchés suivraient l’exemple de la BNS ».
Les investisseurs ont tendance à se ruer sur la sécurité perçue du franc en période de stress, en augmentant sa valeur et en faisant baisser l’inflation en réduisant le coût des importations. La banque centrale suisse a passé des années à intervenir sur le marché pour contrôler la monnaie, accumulant ainsi des centaines de milliards de francs de réserves.
« Le taux de change en est venu à jouer un rôle crucial dans la poursuite de la stabilité des prix par la BNS », ont écrit les économistes. « Une plus grande transparence et franchise – et même une formalisation – du rôle du taux de change dans la politique de la BNS est souhaitable ».